Bulletin de l'été - Michèle Audin, La semaine sanglante. Mai 1871. Légendes et comptes

Michèle Audin, La semaine sanglante. Mai 1871. Légendes et comptes, Libertalia, 2021, 17.- CHF

La Commune de Paris est défaite. Les troupes versaillaises entrent dans Paris et se livrent à un des pires épisodes de répression de l’Histoire. Exécutions massives et sans procès s’étendent sur une semaine entière. Pour combien de victimes ? Jusqu’à 30’000, a-t-on longtemps admis. Puis, dans les années 1990, l’historien Robert Thombs a ramené les estimations à quelque 7’000, en proposant un nouvel examen des sources disponibles. Michèle Audin rouvre une nouvelle fois le dossier, et tente de retracer les événements et d’en mesurer les conséquences réelles. Au-delà du décompte, sans doute à jamais impossible, elle tente de restituer tout l’aspect (in)humain de cette tuerie de masse, fauchant par milliers des personnes dont le plus grand crime a été, non seulement de rêver à un monde meilleur, mais de partir à sa conquête et de cesser de « subir l’histoire », selon le mot que l’autrice emprunte à Camus, pour la faire. C’est à travers un exa- men des témoignages de l’époque, de la presse, des photographies, des registres des cimetières, ainsi que des mentions dans la presse des exhumations ultérieures de dessous les pavés de Paris des fosses communes ayant échappé au ramassage des morts, que l’autrice suit pas à pas les tueries dans les différents quartiers de Paris, et compte, autant que faire se peut. Ce livre est passionnant. Non seulement parce que l’on y voit précisément comment se fait l’histoire, l’ouvrage étant un immense travail de critique des sources. Mais aussi parce qu’on ne peut rester indifférent, lorsqu’il nous est montré autant en détail jusqu’où peut aller la brutalité sauvage et aveugle de la bourgeoisie, lorsque sa domination est concrètement remise en cause. FV