Bulletin de l'été - Le pape des escargots

Bulletin de l'été - Le pape des escargots

Henri Vincenot, Le Pape des escargots, Gallimard, 1983, 16.20 CHF

Rien que le titre su irait à tenter n’importe quel esprit dé- croissant. De fait, tout y est (ou presque) : la critique du pro- grès et de la société de consommation, la bêtise de la ma- chine et l’idiotie de son industrialisation, la religion dogmatique et aveugle, ou encore l’orgueil et l’ambition des uns comme de l’ignorance et la veulerie des autres. On lit Vincenot comme on boirait une eau pure, d’un trait !

Publié il y a une quarantaine d’années, ce récit, qui pourrait nous être conté au coin du feu, nous emmène dans une Bourgogne profonde et sauvage dont les mystiques traditions druidiques sont prêchées par un vieux fou prophétique, âgé d’au moins deux mille ans – selon ses dires – et qui foule de son pas empressé les campagnes pour y donner les nouvelles fraîches des comptés voisins. La Gazette, le pape des escargots – et ce ne sont là que deux de ses in- nombrables titres – suit avec exaltation le parcours du jeune sculpteur-né, Gilbert de la Rouéchotte, voyant en lui son successeur.

Le sens du sacré, la mère Nature source de vie, l’enracinement à la terre natale, la vie autonome, les savoir-faire traditionnels, la superficialité de la modernité sont autant de thèmes qui transparaissent au l des pages. On pourrait être déçu par le regard mauvais qui décrit les figures féminines du livre et le classer, peut-être à tort, dans une catégorie anti-féministe. Pourtant, « la vipère femelle » sur laquelle crache la Gazette appartient bel et bien à la civilisation qu’il entend dénoncer et le « vil coquin » est l’alter ego de cette « mauvaise femme ». Avec son langage crû, son parler franc et populaire, Vincenot se veut surtout critique d’une bourgeoisie hypocrite, revendicatrice de justice sociale mais qui délaisse volontiers les pauvres gens de son pays qui entendent vivre selon leurs us et coutumes propres. En prenant un peu de re- cul, l’on comprend bien que Vincenot se fait le défenseur « du bouseux » qui, déjà à son époque, disparaissait dans les tumultes de la mondialisation.

Au final, c’est une ode faite à la fière terre bourguignonne et sa population originelle, un conte rempli de nostalgie et d’espoir, un poème qui saura toucher le lectorat du journal Moins !, pourquoi pas, lui donner des pistes pour construire un monde en faisant du pas de travers de deux cents ans d’industrialisation. Bonne lecture!

Sem Pasche, de la bibliothèque de Moins!

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