Entre le désir de l'été et le froid de l'hiver - Leif GW Persson
Leif G. W. Persson, Entre le désir de l'été et le froid de l'hiver
Leif G. W. Persson, Entre le désir de l'été et le froid de l'hiver
Paris, Editions Rivages poche, 2012, 652 pages.
A Stokholm, un journaliste américain s'écrase devant un promeneur et son chien après une chute du quinzième étage d'une maison d'étudiants. Suicide, forcément. Sauf que sa seconde chaussure tombe quelques secondes après lui – tuant sur le coup le pauvre cabot... Ce fait n'empêche nullement la police de conserver son jugement, en effet le « suicidé » a même laissé une lettre d'adieu... Mais méfiance ! Derrière cette trame classique ("suicide ou meurtre ?") se dessine un récit original, différent et plutôt subversif.
L'auteur commence en effet par nous faire entrer dans la tête des uns et des autres et l'on découvre que chaque agent de police en scène est soit plein de haine, soit incompétent, soit un ivrogne, soit membre avec des collègues d'un réseau d'extrême-droite en formation... ou tout cela à la fois.
Par-dessus cela, les agents des services (très) secrets agissent, conspirent contre tout le monde ou entre eux-mêmes, et se révèlent cyniques, parfois pervers, psychopathes ou tout cela à la fois.
Et fatalement, dans un tel système où la démocratie croit se protéger en se greffant des monstres échappant à tout contrôle, ceux qui cumulent tous les vices ne sont pas les plus mal partis pour gagner sur tous les fronts !
S'il y a bien un ou deux flics intègres et plus ou moins compétents dans ce roman, on n'y trouvera ni héros tragique ni équivalent de Wallander ou de Hole, les personnages de Mankell et de Nesbo qui percent toujours le mystère à force d'obstination et d'intelligence sherlockholmesque (ces auteurs compensant ces happy-ends récurrentes par quelques expédients : alcoolisme, ratages sentimentaux et dépression du héros, surdose d'horreur dans le crime... tout aussi récurrents et censés donner un peu de noirceur à des best-sellers écrits avec la maîtrise des recettes éprouvées). Et si le "héros" était tout compte fait un grand naïf ?
Mais que reste-t-il au lecteur prêt à s'échapper des sentiers battus ? Le plaisir. Celui de l'écriture subtilement ironique et d'autant plus dévastatrice de Persson, raffermissant nos zygomatiques tout en aggravant notre méfiance envers les pouvoirs !
YB