Histoire et combats - Marc Vuilleumier

Marc Vuilleumier, Histoire et combats. Mouvement ouvrier et socialisme en

Marc Vuilleumier, Histoire et combats. Mouvement ouvrier et socialisme en Suisse, 1864-1960
Lausanne, Editions d'en bas / Le Collège du travail
2012, 564 pages, frs. 35.-

Quel bouquin ! Quel bonhomme !
Les articles de Marc Vuilleumier étaient dispersés dans de nombreuses revues, pas toujours aisés à repérer (le catalogue RERO en répertorie plus de cinquante), parfois quasiment disparus. Voici que le Collège du travail et les Editons d’en bas publient enfin un gros volume sous le titre Histoire et combats, mouvement ouvrier et socialisme en Suisse, 1864-1960.

Il réunit vingt-deux textes, rédigés sur une période de plus de trente ans, brièvement présentés – « choix difficile, selon l’auteur, car ces contributions ont été rédigées dans des circonstances et des occasions très diverses, donc pour des publics très différents », colloques universitaires ou cours de formation syndicale – qui privilégient l’internationalisme et le syndicalisme révolutionnaire, des thèmes particulièrement chers à Marc Vuilleumier.
 
Celui-ci explicite ses choix et sa démarche, tant scientifique que militante, dans une longue introduction autobiographique passionnée et passionnante. Il a les poches pleines d’anecdotes, que ce soit sur l’origine du bonnet phrygien ou le dédale dans lequel il fallait s’engager pour parvenir aux archives de la Préfecture de police à Paris. Il trace des portraits alertes, parfois grinçants, de professeurs, de camarades de parti, d’historiens atypiques ou carriéristes. Il évoque de manière saisissante les changements dans les conditions de travail et d’utilisation des archives : il y a un demi-siècle, on n’avait pas de photocopieuse, mais les cartons des Archives fédérales étaient envoyés par la poste de Berne à Genève !  Il rappelle l’évolution de l’enseignement universitaire de l’histoire en Suisse : privilégiant longtemps une vision nationale du repli sur soi, il s’est ouvert dans les années 1960 à l’étude du mouvement ouvrier et à ses composantes internationales, malgré les embûches qui y ont été mises. En particulier contre celles ou ceux qui, chercheurs ou enseignants, ne voulaient pas renier leur engagement dans ce mouvement, Marc Vuilleumier le premier.
Au moment où j’écris cette chronique, le facteur apporte deux de ses articles récents, sur Alexandre Herzen, Louis-Auguste Blanqui et Benoît Malon. Personnages emblématiques de certains de ses intérêts majeurs, l’exil russe, la proscription communaliste, la Suisse terre de refuge et à la fois pionnière de la police politique. Les articles de Vuilleumier puisent aux sources les plus diverses, toujours maîtrisées et référencées, qu’ils relatent un bref épisode ou analysent un long itinéraire. « Je comprends fort bien, écrit-il, Fourier qui a compté la “papillonne” au nombre de ses douze passions radicales. » Mais il papillonne toujours dans les mêmes jardins.
Après le texte fondateur «Quelques jalons pour une historiographie du mouvement ouvrier en Suisse», publié en 1973, les articles d’Histoire et combats sont organisés en série chronologique, de la première Internationale à la révolution russe et au delà. On y trouve des discussions de questions controversées, des réhabilitations de personnages ou de textes oubliés. On y trouve un engagement constant en faveur de la rigueur historique et de l’autonomie de l’organisation ouvrière – voire pour l’autonomie de la recherche et la rigueur de l’organisation.
Marianne Enckell (Le Courrier, 10.10.2012)

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