"Infini présent, l’insecte" par Fabienne Raphoz

Fabienne Raphoz, Infini présent, l’insecte, Héros-Limite, 2024

Que l’on soit familier des insectes ou que l’on ignore tout d’eux, la stupéfiante beauté du lucane cerf-volant dessiné sur la couverture d’Infini présent, fraîchement paru aux éditions Héros-Limite, donnera certainement envie de suivre Fabienne Raphoz dans l’amitié qu’elle leur voue. Amitié pour la coccinelle, « star superlative », mais aussi pour le psoque et le sphex.

Des Thynosaures aux Mécoptères, son nouveau recueil de poèmes bruisse et volette en suivant la classification scientifique ordre par ordre. Depuis l’enfance, elle aime faire chanter leurs noms « incompréhensibles donc merveilleux comme Arachnides et Myriapodes », explique-t-elle dans la présentation du livre.

La poésie animalière de Fabienne Raphoz allie l’enthousiasme du Castor Junior, toujours prêt à partir pour ses affûts quotidiens, à l’omniscience taxinomique acquise et entretenue dans le calme de sa bibliothèque : « plus tard, beaucoup plus tard, je saurai : / une Perle – marginée / aux ailes torsadées / avait pris mon pied pour / pierre ».

Loin d’une voix savante qui décrit et dissèque une altérité distante, Fabienne Raphoz se situe dans le présent d’une rencontre. Elle en restitue l’émerveillement avec une remarquable économie de moyens digne des plus grands maîtres du haïku.

A la manière de ces derniers aussi, les poèmes d’Infini présent entretiennent un dialogue fécond avec des citations placées en regard, puisées aussi bien (un peu, et de manière volontiers malicieuse) dans la littérature scientifique que (beaucoup) dans un très vaste corpus poétique. Rimbaud et William Blake. Issa et Shiki, bien sûr. Sôseki, qui tomba dans le ruisseau en courant après les libellules. Et une autre amatrice de listes, Sei Shonagôn qui inscrivait au nombre des « choses qui émeuvent énormément », le chant des grillons si ténu « qu’on ne sait dire si on l’entend ou pas ». MD

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