"La filière du livre en colère" dans Le Courrier

Une pétition lancée à l'initiative de Livresuisse, sur demande de quelques librairies, exigeait la réouverture des librairies le 27 avril au lieu du 11 mai, en particulier pour faire face à la concurrence des rayons livres des grandes surfaces. Nous n'avions alors pas signé cette pétition, tout en décidant de ne pas prendre position publiquement contre le texte, afin de ne pas rompre une certaine forme de solidarité entre les petites librairies (d'autant qu'une grande chaîne de librairie romande à laquelle nous ne souhaitons pas nécessairement être associé-es avait officiellement pris position contre).

Bien que nous comprenions tout à fait les difficultés majeures liées à la fermeture forcée (nous en faisons également les frais), la pétition nous semblait problématique pour les raisons suivantes. À notre sens, la santé publique doit avoir la priorité absolue sur les considérations économiques. Et même d'un point de vue économique, une réouverture précoce aurait risqué de favoriser l'émergence d'une deuxième vague de l'épidémie, entraînant une nouvelle fermeture, sans doute plus fatale encore qu'une simple prolongation des mesures jusqu'à ce qu'elles puissent être levées en toute sécurité. Plus pertinent nous semblait d'exiger que les grandes surfaces ne puissent pas vendre de livres avant les librairies, voire de demander que le Conseil Fédéral prenne exemple sur la France et réduise les activités d'une plateforme de vente en ligne bien connue, dont le seul nom tue une petite librairie à chaque fois qu'il est prononcé. Finalement, la pétition aura probablement contribué au fait que le Conseil Fédéral a exclu les rayons livres de ceux pouvant être rouverts dans les grandes surfaces le 27 avril. Tout est bien qui finit bien...

Nous sommes cependant amené-es à changer notre ligne de conduite suite à une circonstance malencontreuse, quoique due sans doute à une bonne intention. Dans son numéro du 22 avril, le journal Le Courrier (https://lecourrier.ch/2020/04/22/la-filiere-du-livre-en-colere/) a consacré un article à la revendication d'une réouverture le 27 avril, et a utilisé une photo de notre vitrine pour illustrer son texte. Nous sommes très heureux que Le Courrier pense à nous, lorsqu'il s'agit de représenter la filière romande du livre (le choix nous semble également tout à fait évident,soit dit en toute modestie). La tragédie de l'histoire est que nous ne souhaitons pas être associé-es publiquement à un texte que nous désapprouvions dans le silence de nos consciences. Voilà pourquoi nous croyons devoir nous exprimer aujourd'hui, et cela sans animosité aucune, ni envers nos collègues libraires, ni envers Livresuisse, ni certainement envers Le Courrier, qui défendent tous les librairies indépendantes et gardent toute notre sympathie.