La fille aux neuf doigts

"Ma grand-mère était une femme d'un mètre cinquante, douce et fragile,

"Ma grand-mère était une femme d'un mètre cinquante, douce et fragile, qui semblait n'avoir jamais rien compris au monde. La dureté de la vie, sous la dictature, avait fortement entamé sa confiance en l'humanité. Elle n'avait ni amis ni famille, à part grand-père, maman, Moira et moi, et elle vivait depuis des années déjà dans son propre univers mental. Il y avait longtemps qu'elle ne parlait plus à grand-père, mais leur vie commune ne semblait pas en souffrir. Ils s'adoraient. Grand-mère s'était tout bonnement levée un beau matin et avait omis de dire bonjour à grand-père. Rien n'avait changé sauf qu'elle n'utilisait plus les mots. Grand-père avait pensé qu'elle se remettrait à parler le lendemain, mais il n'en fut rien. Elle ne dit plus jamais un seul mot. Je n'ai donc jamais entendu sa voix, bien que Moira et moi lui parlions et qu'elle répondît à sa manière."
Laia FàbregasLa Fille aux neuf doigtsActes Sud, 2010, 173 p.ISBN 978-2-7427-9126-2

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