Les théories économiques, Quand la gauche essayait - Hoang-Ngoc, Halimi

1) Liêm Hoang-Ngoc, Les théories économiques. Petit manuel

  1. Liêm Hoang-Ngoc, Les théories économiques. Petit manuel hétérodoxe, Paris, La Dispute, 2011.
  2. Serge Halimi, Quand la gauche essayait. Leçons de l'exercice du pouvoir : 1924, 1936, 1944, 1981, Paris, Arléa, 2000 (publié d'abord en 1992 sous le titre Sisyphe est fatigué).
     
    Enfin de l'économie politique ! Progresser tant bien que mal, pour le profane, dans la compréhension critique des mécanismes qui structurent l'économie ; l'économie en tant que discipline étant quant à elle, comme le répète l'auteur, une science sociale infusée d'idéologies et non une science dure et pure. On prend alors conscience qu'entre économistes orthodoxes et hétérodoxes, la différence est appuyée et qu'il existe à ce niveau-là, délaissés, de réels et efficaces leviers pour changer bien des choses. Encore faut-il parvenir aux commandes...
    Enfin de la science politique ! Entrer dans le détail des échecs répétés de la gauche au pouvoir et comprendre, entre autres facteurs et de façon non-exclusive, le rôle (en 1924) de la méconnaissance par celle-ci des mécanismes macroéconomiques, celui (en 1936) du légalisme, de la lâcheté (par rapport à l'Espagne) et de la timidité confondante (c'est un adjectif qu'emploie souvent Halimi dans ce livre) de Blum et celui (tout le temps) du manque de volonté politique, notamment, en 1945, de changer pour de bon les rapports sociaux, voire (en 1981) du pur et simple amour du pouvoir. On pige avec une certaine amertume qu'à certains moments cruciaux d'autres choix, radicalement différents ou plus audacieux, auraient pu, et dû, être tentés.

C'est donc ce que permettent d'appréhender ces deux livres, parmi d'autres : il existe des alternatives, elles sont même assez bien connues et à la portée d'un gouvernement volontariste ; reste à oser les mettre en œuvre, quitte à déchaîner à leur encontre la rébellion des classes possédantes, faute de quoi on multipliera les occasions manquées porteuses de lendemains qui tuent.
Or, l'auteur du premier ouvrage, Liêm Hoang-Ngoc, se trouve être un membre du Parti socialiste français, parti que la perspective de prendre le pouvoir n'offusque certes guère (et c'est bien sa seule qualité)... la question étant : pour en faire quoi ?
On trouvera justement dans le livre de Serge Halimi de bonnes raisons de ne pas placer d'excessifs espoirs dans le pouvoir « socialiste » actuel : tous les renoncements que Halimi décrit se retrouvent en effet, avant même l'élection, dans le programme et les déclarations des ténors du PS de 2012. Hollande n'est en effet même plus de cette gauche anticapitaliste, cette « gauche qui essayait »... pour, certes, comme cela est bien démontré, finir de façon répétée et lassante par abandonner en chemin, voire, avec Mitterand, pour retourner franchement sa veste. Mais qui avait, du moins au cours des expériences de pouvoir de la première moitié du XX siècle, tenté et en partie réussi à se donner les moyens de combattre le "mur de l'argent" en forgeant les outils du dirigisme économique.
On trouve, chez Hoang-Ngoc également, la précieuse critique des absurdités de l'orthodoxie... avec lesquelles, précisément, le PS dont il fait partie ne rompt jamais. Comment cet économiste engagé peut-il donc croire que sa formation politique soit malgré tout porteuse d'un autre modèle économique alors qu'elle n'est sur le fond que... de droite ? Bonne chance à l'aile gauche du PS pour réformer ce parti...
Les deux ouvrages permettent en somme de se débarrasser de quelques mirages symétriques, autant du côté de l'impasse absolue que constitue le social-libéralisme que (en creux) de celui de certaines gesticulations révolutionnaires jamais aussi sectaires que lorsqu'elles n'ont aucune chance d'aboutir et jamais autant délaissées qu'aux moments où elles auraient peut-être une occasion de connaître un début de réalisation... et cesser par la même occasion d'être de simples gesticulations. Le Halimi de 1992 est cependant à la fois plus pessimiste et, dirions-nous, plus lucide que le Hoang-Ngoc (voir sa conférence sur la crise à l'adresse : http://www.youtube.com/watch?v=41ltMc4btNA) de 2009-2011 sur la capacité de la gauche de gouvernement (plus précisément : du PS) à sortir du renoncement qu'elle déguise désormais plus que jamais en réalisme gestionnaire.
YB

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