Mélancolie ouvrière Michelle Perrot
Michelle Perrot, Mélancolie ouvrière, éd. Grasset, 2012,
Michelle Perrot, Mélancolie ouvrière,
éd. Grasset, 2012, 19.40Sfr.
Que sait-on de Lucie Baud ? Le bref texte autobiographique qu’a laissé cette ouvrière en soie née dans le Dauphiné en 1970, fait état de ses activités syndicales et de grèves mémorables. Mais de la femme elle-même, des évènements qui l’ont menée à se politiser, des aléas de sa vie familiale, on ignore à peu près tout. C’est justement cette sorte de flou artistique qui donne sa force au livre que l’historienne Michelle Perrot lui consacre : cette façon d’esquisser un portrait par petites touches, par fragments, par conjectures, fait de Mélancolie ouvrière un ouvrage aussi intéressant du point de vue littéraire qu’historique. Si bref soit-il, le texte permet de s’attacher à une « héroïne » qui, femme et ouvrière, n’est a priori pas de celles dont on écrit l’histoire – d’autant plus que son histoire finit mal.
Au-delà d’une trajectoire individuelle, Mélancolie ouvrière raconte une époque : l’industrialisation des campagnes ; l’usine, que l’on craint autant qu’on l’espère, et dont l’architecture évoque la caserne ; le capitalisme patriarcal et sa violence ; les luttes, parfois victorieuses, la solidarité et les « cuisines populaires »… Mais aussi les tensions internes au mouvement ouvrier, notamment autour de la présence d’ouvrières italiennes. NS