Mon dernier cheveu noir
Jean-Louis FournierMon dernier cheveu noirAnne
Jean-Louis FournierMon dernier cheveu noirAnne Carrière, 2006
"Mourir, cela n'est rien; mourir, la belle affaire. Mais vieillir..." chantait Jacques Brel. Jean-Louis Fournier nous parle aussi de cette inéluctable décrépitude, sauf qu'il préfère en rire. Pour lui, la vie se divise en deux périodes : la première durant laquelle on attend les catastrophes, la seconde lorsqu'elles arrivent. Ce qu'il qualifie de catastrophes, ce sont les cheveux qui grisonnent et/ou qui tombent, la chair qui s'amollit, l'oreille qui s'endurcit, entre autres. Il y a aussi le cortège des désillusions : "je ne serais jamais roi de Suède", "je ne traverserai jamais l'Atlantique à la rame", "si vous passez l'hiver, vous verrez : l'été, c'est pareil".
Au passage, l'auteur nous rappelle - ou nous révèle - ce que signifie "oxymore" (cherchez-le bien : c'est après la page 150 et c'est bien plus amusant de le trouver là que dans un vulgaire dictionnaire). Il a la lucidité ironique et la partage généreusement avec ses lecteurs, qui sont finalement logés à la même enseigne. C'est toujours rassurant de se dire qu'on est nombreux à subir le même sort. Toutefois, lu de Suisse, on envie quand même Jean-Louis Fournier sur un point : comme tous les Français, il n'aura jamais septante ans, mais restera dans la soixantaine – au moins jusqu'à quatre-vingt ans.
Pierre Genier (paru dans Le Temps le 22 décembre 2007)