A quoi sert l'Identité nationale
Gérard NOIRIELA quoi sert l'identité
Gérard NOIRIELA quoi sert l'identité nationaleAgone, 2007
Dans son dernier essai, l’historien Gérard Noiriel retrace l’histoire des enjeux sous-tendus par l’idée d’identité nationale en France. Le chercheur brosse un tableau complet à la fois diachronique et sociologique des différents apprêtements idéologiques de l’identité et s’explique plus grandement sur sa critique de l’idée de nation telle que la défend l’actuel président français, Nicolas Sarkozy.
L’identité nationale a été un des ingrédients principaux de la victoire du candidat de l’UMP lors des dernières élections.
Bien que depuis quelques décennies, la question de l’immigration défraie régulièrement l’actualité, M. Sarkozy est parvenu à se poser en homme politique courageux et novateur en réactivant des discours et des idées classiques et ressassées sur le sujet. Il lui était nécessaire d’apparaître en homme neuf, amorçant un discours de « rupture ». Pour ce faire, il s’est employé à présenter l’immigration et l’identité nationale comme des tabous qu’il s’est efforcé de transgresser.
Mais sur quoi se fonde précisément l’idée d’identité nationale selon le président ? Gérard Noiriel a analysé quelques discours prononcés au cours de la campagne présidentielle. Il en ressort que pour Nicolas Sarkozy, la France est avant tout une « âme », « un principe spirituel », une terre charnelle à laquelle chacun se sent rattaché par un lien mystérieux dont on ne sait qu’une seule chose : on ne peut le couper sans perdre quelque chose de soi-même » Noiriel en conclut que « le miracle du discours sarkozyen, c’est de proposer une définition de l’identité qui réconcilie la droite et la gauche. L’identité de la France, c’est Barrès et Jaurès devenus amis, le chantre de l’antisémitisme cheminant bras dessus, bras dessous, sur les routes de France avec le militant des droits de l’homme ».
Contrairement à Barrès qui le situait en Lorraine, terre paysanne convoitée par les barbares teutons (ceux-là même avec qui on construit l’Europe, actuellement…), terre emblématique des combats et du sang qui a fondé la France, le cœur de la « francitude », chez Nicolas Sarkozy, est à chercher à l’ouest. Dans l’un de ses discours, celui qui n’est alors qu’un candidat glorifie la terre normande. Les Normands, des « sang-mêlés » (sic.), descendraient des « Français de souche » et des Vikings. On les aurait par la suite retrouvés aux premières loges de l’histoire de France (des rois capétiens à la résistance contre l’occupant allemand), preuve irréfutable de leur intégration réussie. Nicolas Sarozy, note également l’historien, « fait du principe républicain d’intégration le critère fondamental de la continuité, c’est-à-dire l’ipséité de la France. Pour gommer la coupure de la Révolution de 1789, il nous explique que finalement les valeurs de la République existaient déjà du temps des rois puisque même les vikings se sont intégrés dans la nation française ».
Dans ses discours, Nicolas Sarkozy s’emploie à dédoubler le principe d’intégration républicain pour distinguer le biologique qui produit les sang-mêlés du politique S’il n’y a pas d’hérédité biologique dans ce discours idéologique, il y a l’idée de l’hérédité des valeurs. Y gagne-t-on vraiment au change ?
Guillaume Henchoz