"Attachements" par Charles Stépanoff

Charles Stépanoff, Attachements : Enquête sur nos liens au-delà de l’humain, La Découverte, 2024

Dilemme. Ne rien dire du plus excitant parmi les essais en sciences humaines parus cette année ? Ou avouer dans une pauvre et lacunaire notule, avec promesse d’y revenir un jour avec une recension digne de ce nom, que de ce livre nous n’avons pas terminé la lecture ? Car il est dense, stimulant et volumineux, et que notre médecin s’est refusé de nous fournir un certificat nous autorisant à le lire à plein temps au détriment de toute autre activité. Mais pourquoi nous rend-il si enthousiastes ? Par ce qu’en explorant nos attachements par-delà l’humain, l’anthropologue Charles Stépanoff offre une vision réellement novatrice des notions d’apprivoisement et de domestication. En puisant dans un corpus impressionnant de recherches archéologiques et anthropologiques il démontre qu’il serait bien plus correct de parler de co-domestication. En même temps que des grandes capacités d’empathie ont permis à nos ancêtres d’acquérir des connaissances extrêmement fines de leur environnement animal et végétal, certaines plantes et animaux se sont « volontairement » rapprochées des humains, et « laissées » domestiquer en raison d’avantages qu’elles pouvaient en tirer. Nous avons ainsi établi des alliances d’un type égalitaire, nommées réseaux denses, fondées sur des aspects nourriciers et utilitaires, mais aussi symboliques et spirituels, impliquant gratitude, reconnaissance, contreparties. Stépanoff passe aussi en revue toutes les ruptures épistémologiques qui ont été nécessaires, à la modernité, pour passer de ces réseaux denses à une vision du monde animal et végétal comme une pure ressource à exploiter dans une rapport d’absolue domination, voire comme à une création du génie humain. MD

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