Bulletin de l'été - Édith Thomas, Les « Pétroleuses »

Bulletin de l'été - Édith Thomas, Les « Pétroleuses »
Édith Thomas, Les « Pétroleuses », Gallimard, 2021, 15.30 CHF
Comme l’indique Chloé Leprince dans sa préface, le livre d’Édith Thomas, paru en 1963, « est plus souvent évoqué qu’il n’est cité » (p. 10). Et le plus souvent, ajouterai-je, évoqué rituellement lorsqu’il s’agit de s’en prendre au mythe des femmes incendiaires de la Commune, les « pétroleuses », accusées par la réaction d’avoir incendié la ville. Ce n’est pourtant pas là l’objet principal de ce livre : l’autrice ne consacre en effet qu’un seul chapitre à l’examen de ce mythe (chapitre XII : « Y a-t-il eu des pétroleuses ? »), sur les seize qui composent l’ouvrage. Le titre du livre n’est en réalité que le retournement d’un stigmate : les femmes de la Com- mune ont souvent été dépeintes par la réaction comme des furies incendiaires et rares sont les historien-nes à s’être intéressé-es plus sérieusement et plus généralement à leur rôle dans les événements. Et c’est bien de cela qu’il s’agit pour Thomas : montrer, dans toute son étendue et sous toutes ses facettes, l’engagement réel et massif des femmes sous la Commune de Paris. Au-delà de Louise Michel, on découvre entre autres l’action d’Élisabeth Dmitrie , une communiste russe œuvrant à l’organisation du travail des femmes ; celle d’André Léo, journaliste socialiste et féministe, engagée pour la cause de la démocratie et de la vérité, soutenant la Commune de toutes ses forces, tout en criti- quant certains expédients révolutionnaires. Travail fondateur, défrichement d’un champs de recherche quasiment vierge jusqu’alors, ce petit livre est le fruit d’un immense e ort de documentation et de synthèse à la fois. Il n’a rien perdu de son intérêt, tant il est vrai que le sujet reste peu étudié et que ce livre princeps o re une excellente introduction. Le style en est particulièrement agréable, car la rigueur de la démonstration historique n’empêche pas l’autrice de laisser parler ses convictions, ce qui confère à l’ouvrage un style vivant et enthousiasmant. Cette nouvelle édition est d’autant plus intéressante qu’elle est enrichie par Chloé Leprince, non seulement d’une préface restituant le parcours de Thomas et de son livre, mais également d’un riche appareil de notes complémentaires, faisant le point en divers endroits sur l’état ac- tuel de la recherche. (On se méfiera seulement de la mise à jour des estimations des victimes de la répression contre les communard-es lors de la « semaine sanglante », car le livre de Michèle Audin, La semaine sanglante, paru en même temps et donc non pris en compte par Leprince, apporte un nouvel éclairage sur le sujet.) FV