L'internationale communiste - Serge Wolikow

Serge Wolikow, L'Internationale communiste (1919-1943). Le Komintern ou le

Serge Wolikow, L'Internationale communiste (1919-1943). Le Komintern ou le rêve déchu du parti mondial de la révolution, Paris, Editions de l'Atelier, 2010, 287 pages incluant un cédérom
De manière très précise et documentée, Serge Wolikow dresse un portrait en trois parties (« I. L'organisation et la stratégie »; « II. Culture et doctrine du Komintern »; « III. Les hommes et les interprétations ») de la IIIe internationale, communiste, impulsée par le pouvoir soviétique deux ans après la révolution.
Ce qui marque, d'une manière générale, c'est la rapide stalinisation et la subordination à la diplomatie russe de l'organisation censée promouvoir la révolution mondiale. Il est décrit comment cet état de fait induit notamment des biais dans les analyses que font les dirigeants du Komintern, la plupart du temps disciplinés bien que parfois en prudente opposition, au sujet de la conjoncture internationale et des tactiques à adopter.

On est également frappé par les multiples changements de mots d'ordre à 180 degrés, alignés sur ceux de Staline et profondément déstabilisants pour les militants des sections nationales.
D'un autre côté, les consignes maximalistes persistent alors même que décroissent les espoirs révolutionnaires en Europe et notamment en Allemagne au tout début des années 1920. Les dirigeants de l'organisation préfèrent ainsi adapter la conjoncture historique à l'idéologie grâce à « l'habileté dialectique de cette rhétorique » qui prédit comme tout proche l'effondrement du capitalisme. Dans les années 1930, l'aveuglement face au nazisme, décrit comme un simple impérialisme pas si différent de celui des démocraties bourgeoises (stade ultime du stade ultime, en quelque sorte), mène dans un premier temps l'IC à maintenir - et à imposer aux partis nationaux - une position « classe contre classe » à la fois irréaliste et démobilisatrice pour des militants locaux désireux de défendre leur pays. Une fois pris le tournant de l'antifascisme toutefois, la nation passe brusquement d'une réalité niée à « l'exaltation tactique ».
Le Komintern est organisé de façon strictement pyramidale et la discipline des kominterniens ne les préserve pas d'être parmi les principales cibles des grandes purges des années trente. Ainsi, « le Komintern a tout à la fois été un instrument et une victime de la répression », de cette terreur qui « a révélé et achevé son instrumentalisation par le pouvoir soviétique, celui de l'Etat et de ses services secrets ».
Rigoureux dans sa description et sans ambiguïté quant aux aspects sombres de l'objet qu'il traite, l'auteur sait de plus garder, ce qui pourrait sembler normal mais ne va pas toujours de soi concernant le phénomène communiste, les vertus de nuance et de distanciation. Le communisme du XXe siècle est en effet « ici appréhendé », pour citer la quatrième de couverture qui résume bien les choses, « comme une réalité autrement plus complexe » que celle que présente la version de droite pour laquelle il aurait été la conséquence « essentiellement criminogène », et obligée, d'une pensée de l'émancipation née de la révolte contre, et d'une analyse radicalement critique du capitalisme. Dans ce contexte intellectuel, il s'avère que, si, d'une façon paradoxale et tragique, ce « mouvement mondial » qu'a cherché à impulser le Komintern « a porté les espoirs de centaines de millions de femmes et d'hommes tout en acceptant d'en sacrifier des millions parmi ses partisans et ses adversaires » et que lire son histoire revient à tenter de comprendre les causes et les effets en chaîne qui ont mené à ce résultat, alors, bien qu'on puisse l'accomplir rien que pour l'amour de la vérité cette lecture est encore plus précieuse dans la perspective d'un engagement.
YB

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