Manuel Cervera-Marzal, "Le populisme de gauche. Sociologie de la France insoumise", La Découverte, 2021, 35.90 CHF

Le nouveau bulletin de Noël est arrivé!

La campagne en vue de l’élection présidentielle française de 2022 se déploie en France, et quand on est de gauche, il faut bien admettre que les temps sont angoissants. Au-delà de la peste brune qui gagne toujours plus de terrain, la question de l’alternative à gauche est loin d’être simple. On trouvera donc un intérêt certain au travail du sociologue Manuel Cervera-Marzal, qui nous livre les résultats d’une enquête ethnographique de deux ans et demi au sein du mouvement La France insoumise. Tout d’abord parce qu’une étude sociologique bien faite (et c’est ce à quoi on a droit ici) prend le temps de l’analyse, de la prise de recul et de la mise en perspectives. Loin de ne s’intéresser qu’au personnage de Jean-Luc Mélanchon et à son programme, le chercheur étudie également les cercles dirigeants qui gravitent autour de lui, et aussi et surtout la base du mouvement. Le tout est analysé au regard des expériences populistes de gauches contemporaines (Syrisa en Grèce, Podemos en Espagne, Jeremy Corbyn en Angleterre ou Bernie Sanders au USA), de l’histoire plus longue des mouvements populistes (en Russie, aux USA, puis en Amérique Latine) et socialistes, et de la théorisation du « populisme de gauche » (notamment les thèses de Chantal Mouffe), qui est abondamment discutée. Les matériaux empiriques mobilisés sont très complets, entre les documents produits par le mouvement, les publications sur les réseaux sociaux, ainsi que des entretiens avec des militant-es à différents niveaux (à la base, parmi les députés, ou les cercles dirigeants). L’autre intérêt de ce travail est que l’auteur assume pleinement les enjeux politiques de son travail, tout en ne sacrifiant rien de la rigueur sociologique ni des nuances. Il ne s’agit pas d’un livre à charge, loin s’en faut, mais le sociologue ne retient pas ses critiques sur le mode de fonctionnement du mouvement, ses points aveugles, voire ses errances et s’interroge sur ses capacités à assumer son programme de démocratisation de la société une fois au pouvoir, compte tenu de ses pratiques de lutte pour la conquête du pouvoir (« Le ciel ne se prend pas par consensus, mais par assaut », selon le mot du dirigeant de Podemos Pablo Iglesias, cité dans l’ouvrage). Mais il montre aussi avec un certain enthousiasme les innovations apportées dans les formes du militantisme, décrivant par exemple en détail le déroulement d’un « atelier de loi », institution permettant potentiellement d’impliquer les citoyen-nes de manière à la fois active et dynamique dans le processus législatif. Une monographie qui offre de précieuses clés pour une évaluation lucide des potentialités de la gauche française. FV

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