Marianne Enckell, La Fédération jurassienne. Les origines de l’anarchisme en Suisse, Entremonde, 2012, CHF 15.60

Cette histoire de la Fédération jurassienne, rééditée pour la 2e fois, plus de 40 ans après sa première édition, est indémodable.

Elle donne envie de se plonger dans ces années 1870, là où la vie quotidienne des ouvrières et ouvriers horlogers de la vallée de Saint-Imier et des Montagnes neuchâteloises croise ces figures mythiques de l’anarchisme que sont Bakounine et Kropotkine, et fait les frais des intrigues du Comité central londonien de l’Association Internationale des Travailleurs (la « Première internationale »). Loin de ces clichés sulfureux, l’histoire des origines de l’anarchisme en Suisse racontée par Marianne Enckell nous place au cœur des contradictions inhérentes à toute tentative d’émancipation des travailleurs. L’éphémère Fédération jurassienne est résolument anti-autoritaire et anti-parlementariste, et elle rejette cette « immonde comédie du suffrage universel », mais elle oscille d’une part entre une envie de voir s’organiser la vie ouvrière de façon fédérative, par métiers, avec des revendication d’amélioration des conditions de travail, des caisses de grève, des pique-niques et des chansons; et d’autre part, une organisation révolutionnaire, avec ses discours et son action directe. Marianne Enckell, bien connue à la ronde, sait transmettre dans son ouvrage à la fois le rôle international de la Fédération jurassienne, et sa singularité locale, avec par exemple une excellent description d’un de ses truculents personnages, l’ascète Schwitzguébel.

A découvrir de toute urgence, si ce n’est pas déjà fait, avant une petite visite instructive au CIRA (Centre International de Recherche sur l’Anarchisme) à Lausanne, ou une promenade jusqu’à l’Espace noir de Saint-Imier.

FA

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