Charlotte Puiseux, De chair et de fer : vivre et lutter dans une société validiste, éditions La découverte, 2022

Charlotte Puiseux, De chair et de fer : vivre et lutter dans une société validiste, éditions La découverte, 2022

Activiste handi, féministe et anticapitaliste, psychologue et docteure en philosophie, Charlotte Puiseux présente dans cet essai la notion de validisme à travers le récit de son parcours intellectuel et militant. Comment une société organise systématiquement la marginalisation d’individus dont on décrète médicalement que leurs capacités physiques ou mentales sont insuffisantes pour s’intégrer pleinement ? Telle est la question que prend à rebours le modèle social du handicap, en considérant celui-ci comme une inadéquation de l’environnement à l’individu plutôt que l’inverse. Sans nier la nécessité de l’accès aux soins médicaux des personnes handicapées, ce modèle permet de mettre en avant l’autonomie des personnes et de sortir des injonctions et relégations médicales et institutionnelles. Poussant plus loin la réflexion, en puisant notamment dans le courant crip (qui se détache de la mouvance queer pour y intégrer la question du handicap), Puiseux articule son analyse du validisme avec une critique du capitalisme et une perspective féministe. L’intersectionnalité est en effet une condition nécessaire d’une bonne compréhension du problème. Le capitalisme, par exemple, est à la fois grand producteur de handicaps par son mépris pour la santé de la main d’œuvre qu’il exploite, mais également un vecteur d’exclusion primordial puisque c’est ce mode de production qui fait de la productivité le critère principal d’évaluation d’une vie, et pose donc les conditions idéologiques du système validiste contemporain. Car loin de se résumer à un ensemble de discriminations, le validisme fait bien système. Il structure l’ensemble de la vie sociale : de la vie amoureuse et affective aux lieux de travail (quand ceux-ci veulent bien intégrer les personnes handicapées), en passant par les espaces militants, y compris ceux qui se veulent les plus ouverts. La lutte contre ce système ne passe pas par un appel à la commisération (comme le font les émissions de type Théléton), qui ne fait que le reproduire, en considérant précisément les personnes handicapées uniquement du point de vue de leur condition médicale et de leur dépendance à l’assistance d’autrui. C’est bien plutôt à une transformation radicale de nos sociétés afin  de les rendre plus accessibles, plus à même de favoriser l’autonomie plutôt que la dépendance, et à mettre fin à la hiérarchisation idéologique des vies humaines qu’il faut œuvrer. En citant au fil de cet essai les textes (de chercheuxses comme de militantxes, et souvent les deux ensemble) qui lui ont permis de progresser dans sa compréhension de sa condition sociale handicapée, l’autrice nous donne toutes les pistes pour approfondir le sujet et nous extirper de la mentalité validiste, première condition d’une lutte efficace contre ce système. FV

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