Gail Holst, Aux sources du Rébétiko: Chansons des bas-fonds, des prisons et des fumeries de haschisch. Smyrne – Le Pirée – Salonique (1920-1960), 3e édition, Les nuits rouges, 2022
Gail Holst, Aux sources du Rébétiko: Chansons des bas-fonds, des prisons et des fumeries de haschisch. Smyrne – Le Pirée – Salonique (1920-1960), 3e édition, Les nuits rouges, 2022
Australienne de naissance et Grecque de cœur, Gail Holst a arpenté la Grèce dans les années 1970 à la rencontre des derniers musiciens et interprètes encore en vie du rébétiko classique. Ce genre musical puise ses sources dans la musique populaire ottomane et s’est forgé un vocabulaire propre dans les années 1920 dans un contexte historique bien particulier, marqué par la crise sociale et un afflux massif d’exilés grecs en provenance de Turquie vers les ports et sites industriels, Le Pirée en particulier.
Le livre commence par une fascinante plongée dans les tékès (fumeries de haschisch) du Pirée. C’est là que se réunissent Nikos le fou, Yannis le cocher, Marinos la moustache, Papazoglou le concombre et les autres rébétès. Les paroles de leurs chansons empruntent l’argot du milieu et des prisons pour évoquer la dureté de l’existence et le haschisch que l’on consomme pour l’adoucir quelque peu. A tour de rôle un homme seul se lance dans un zeïbékiko, la danse introspective et cathartique - rendue universellement célèbre par la scène finale de Zorba le Grec - pour laquelle on n’hésite pas à jouer du couteau si l’on estime qu’un tour de danse a été «volé».
Le rébétiko quitte progressivement les bas-fonds pour devenir un genre populaire selon un schéma assez classique commun à d’autres musiques issues de sous-cultures, comme le tango, le jazz et le flamenco. Les premiers enregistrements apportent un début de notoriété, jusqu’au diasporas grecques et originaires d’Asie mineure du monde entier. Les spectateurs s’embourgeoisent. Le rébétiko cesse d’être une musique jouée par des hommes pour des hommes: le public et les interprètes se féminisent largement. Sans rien abandonner de leur pathos, les thématiques abordées ne se cantonnent plus à la marginalité et au mépris des conventions sociales. Objet d’une véritable ferveur, le rébétiko finit par devenir une musique capable d’incarner l’âme de son pays, de devenir un élément de ralliement et de résistance pour tout un peuple dans les moments sombres tels que l’occupation allemande ou la dictature des Colonels.
Par la précision et le foisonnement des informations qu’il contient, inversement proportionnels à son volume, richement illustré de photographies (magnifiques luths baglama et bouzouki, formidables moustaches), le petit livre de Gail Host est incontestablement la référence absolue sur le rébétiko, qui en aborde tous les apects et facettes. Pour le meilleur: les compositions de Markos Vamvakaris ou de Vassilis Tsitsanis, les interprétations de Sotiria Bellou. Et pour le pire: le kitsch prononcé des ténébreux virtuoses du bouzouki électrique, jouant pour les touristes de leurs instruments rose incrustés de coquillages en plastique. MD