La lamentation du prépuce
Shalom AuslanderLa lamentation du prépuceBelfond,
Shalom AuslanderLa lamentation du prépuceBelfond, 2008
D'abord, il y a ce nom incroyable : "Bienvenue Etranger", mélange d'hébreu et d'allemand. Et ce titre : annonce-t-il une sorte de virile logorrhée ? Commence la lecture et on est immergé tout entier dans les affres de ce jeune new-yorkais au délirant décalage. Comment un gamin peut-il se passer de bonbons (composés de gélatine d'origine porcine), de viande (de porc), de ballade au centre commercial le jour du shabbat (interdiction de passer une porte électronique ou un escalier roulant), etc., sans s'attirer les foudres de Yahvé ?
Adolescent, comment draguer sans choquer sa communauté religieuse, ses parents, stricts garants de l'orthodoxie (pas avant le mariage, voyons !) et l'Eternel ? Comment conjuguer école talmudique et bamboule urbaine sans s'attirer les foudres du Surveillant en chef ? Une fois adulte, après avoir réglé son compte au divin, faut-il faire circoncire le bébé à venir si c'est un garçon ? Si le Créateur pouvait faire que ce soit une fille, ça faciliterait un peu la question (au moins une). Mais l'échographie est impitoyable. Shalom Auslander nous plonge dans les affres de ses questionnements culturelo-moralo-religieux pré- et postpubère. Et on rit, à en avoir aussi mal au ventre que lui (sauf que lui, il a mal au ventre d'avoir mangé du porc, rompu la trêve de shabbat etc.). Un rire énorme, ravageur, qui balaie ses angoisses. Et les nôtres ?
Pierre Genier (paru dans Le Temps le 19 juillet 2008)