Reza Zia-Ebrahimi, "Antisémitisme & islamophobie : une histoire croisée", Amsterdam, 2021, 27.20 CHF
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Chaque type de racisme a ses spécificités. La racisation des minorités religieuses est un phénomène en soi, que s’attache à analyser ici l’historien Reza Zia-Ebrahimi. Son angle d’attaque est salutaire, dans un contexte de confusionnisme où d’aucuns cherchent à mettre en concurrence les oppressions racistes ; la forme dominante de cette rhétorique consiste actuellement à minimiser l’islamophobie au nom de la lutte contre un regain de vigueur (bien réel) de l’antisémitisme, dont on prétend qu’il serait surtout le fait de Musulmans. Au-delà de l’impératif moral qui pousse à répondre qu’il n’y a évidemment pas à choisir et que toute oppression doit être pareillement combattue (« une injustice n’importe où menace la justice partout » disait Martin Luther King), ce livre montre que loin de s’exclure ou entrer en concurrence, l’islamophobie et l’antisémitisme relèvent non seulement de logiques similaires, mais ont eu partie liée durant une longue période historique, que la « race sémitique » recouvrait aussi bien les Juifs que les Musulmans jusqu’au XIXe siècle compris, et que la parenthèse ouverte par le conflit israélo-palestinien pourrait bien n’être qu’un phénomène de surface qui ne doit pas faire oublier que « l’antisémitisme et l’islamophobie restent aujourd’hui plus corrélés que jamais [… et que] cette corrélation présente un danger inédit : que l’instrumentalisation d’une forme spécifique de racisme ne débouche sur le renforcement du système racisme dans son ensemble. » S’appuyant sur les acquis les plus récents de la recherche, l’historien rappelle par ailleurs que s’il est question de minorités religieuses, il s’agit bel et bien d’un « racisme » et que les processus de « biologisation » du judaïsme et de l’islam (l’idée que des traits de caractères d’un groupe se transmettent de génération en génération et que les membres du groupes ne peuvent y échapper par une simple conversion, fût-elle sincère) n’ont pas attendu le racisme à prétention scientifique du XIXe et sont présents dès le Moyen Âge. Il insiste enfin, et c’est là surtout qu’il revendique une certaine originalité, sur la dimension conspirationniste du racisme religieux, en montrant, sur la base d’une définition rigoureuse du « conspirationnisme », que l’on peut mettre en parallèle le mythe du complot juif mondial et celui du Grand remplacement. La peinture d’une menace mortelle pour la civilisation est nécessaire pour justifier les actes des haines, qui peuvent ainsi prendre les formes les plus radicales, et déboucher, dans le pire des cas, sur des exterminations de masse. FV